lundi 24 janvier 2011

Marc, 49 ans Chef d'entreprise «Enfant, j'ai été violé par un prêtre pendant quinze mois»

Il y a trois ou quatre décennies, il était impensable de dénoncer un ecclésiastique pour pédophilie. J'ai été l'une des petites victimes de cette omerta. Pendant quinze mois, j'ai subi les agressions sexuelles d'un jeune prêtre, le père W., dans l'internat catholique où j'étais élève. J'avais 10 ans, 11 ans. C'était entre 1967 et 1968. Une à deux fois par semaine, il venait me chercher, la nuit, dans le dortoir. Mes copains me traitaient de fayot, de pédé. Jamais je n'oublierai son odeur de tabac froid, qui me donnait envie de vomir… Comment aurais-je pu me défendre? Il était grand, costaud. Il enseignait la gymnastique et l'instruction religieuse aux classes primaires.
J'ai fini par confier mon douloureux secret à ma mère. Elle m'a dit: «Va parler à papa, il a fait l'armée, il comprendra.» Mon père n'osait même pas me regarder. Mes parents sont allés voir le directeur de l'école. A la suite de quoi, le responsable de l'ordre religieux dont dépendait mon collège est venu leur demander de me changer d'école! Ils ont refusé. Mon agresseur a été muté à 700 kilomètres, il a continué à exercer son sacerdoce pendant dix-neuf ans, avant de se marier et de devenir libraire. A aucun moment, les responsables religieux ne se sont souciés de ma détresse. A la maison, le sujet était tabou. Pourtant, ces quinze mois d'enfer ont broyé mon enfance, consumé ma joie de vivre. Si seulement quelqu'un m'avait dit que ce n'était pas ma faute, que ce curé était un salaud, que l'amour et le sexe, ce n'était pas ça…
Il y a quelques mois, j'ai décidé de mener mon enquête, de retrouver les protagonistes de l'histoire, de rencontrer mon violeur. «Il est parti à l'étranger», m'a répondu l'ancien responsable de l'ordre. Où? Il l'ignorait. C'était faux: non seulement il savait où il vivait, mais, chaque année, il lui envoyait ses vœux… Ni lui ni l'ex-directeur de l'école ne se sentent coupables, aujourd'hui encore, de ne pas avoir secouru un gosse de 10 ans. Le responsable actuel de l'ordre, lui, m'a fait part de son indignation.
Grâce à un détective privé, j'ai retrouvé le père W. Qui a accepté une confrontation, le 13 novembre dernier, en présence de son épouse et de l'un de mes amis. Je lui ai rappelé les sévices sexuels qu'il m'avait infligés. Il n'a pas protesté. «Tu étais un monstre!» lui ai-je lancé. Il m'a répondu qu'il ne se rendait pas compte de ce qu'il faisait… Pourquoi ne rend-on pas imprescriptibles les agressions sexuelles contre les mineurs?

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